Alceste à Bicyclette, le 22 mai 2013 en DVD ***

Alceste à Bicyclette de Philippe Le Guay

Synopsis

Au sommet de sa carrière d'acteur, Serge Tanneur a quitté une fois pour toutes le monde du spectacle. Trop de colère, trop de lassitude. La fatigue d'un métier où tout le monde trahit tout le monde. Désormais, Serge vit en ermite dans une maison délabrée sur l'Île de Ré... Trois ans plus tard, Gauthier Valence, un acteur de télévision adulé des foules, abonné aux rôles de héros au grand cœur, débarque sur l'île. Il vient retrouver Serge pour lui proposer de jouer «Le Misanthrope» de Molière. Serge n'est-il pas devenu une pure incarnation du personnage d'Alceste ? Serge refuse tout net et confirme qu'il ne reviendra jamais sur scène. Pourtant, quelque chose en lui ne demande qu'à céder. Il propose à Gauthier de répéter la grande scène 1 de l'Acte 1, entre Philinte et Alceste. Au bout de cinq jours de répétition, il saura s'il a envie de le faire ou non. Les répétitions commencent : les deux acteurs se mesurent et se défient tour à tour, partagés entre le plaisir de jouer ensemble et l'envie brutale d'en découdre. La bienveillance de Gauthier est souvent mise à l'épreuve par le ressentiment de Serge. Autour d'eux, il y a le microcosme de l'Île de Ré, figée dans la morte saison : un agent immobilier, la patronne de l'hôtel local, une italienne divorcée venue vendre une maison. Et l'on peut se prendre à croire que Serge va réellement remonter sur les planches...

L'Avis de Thibault

Alceste à bicyclette est une comédie théâtrale. Philippe Le Guay n'invente rien en matière de mise en scène mais ne tombe jamais dans le piège du théâtre filmé.

Gauthier Valence monte à l'Atelier le Misanthrope, il débarque à l'ile de Ré pour persuader Serge Tanneur, qui a abandonné le métier car dégoûté par l'hypocrisie du monde du spectacle, de jouer Philinte. Le personnage d'Alceste dénonce l'hypocrisie du monde et ne croit qu'à la vérité tandis que son ami Philinte accepte le monde tel qu'il est, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire... On assiste donc à un face à face ludique où les comédiens se disputent le rôle d'Alceste à pile ou face. Les répétitions sont donc des passes d'armes en alexandrins où se jouent également le moderne et le classicisme vis à vis d'une pièce vieille de 350 ans, chacun essayant de manipuler l'autre... Le duel entre Alceste et Philinte devient celui entre Serge et Gauthier. Tout repose donc entre le parallèle des différences entre le caractère des personnages de Molière et les deux acteurs en répétition.

Il y a dans cet Alceste à bicyclette une vraie noirceur et un désenchantement sur les relations humaines qui rejoint brillamment ce qu'a écrit Molière dans son Misanthrope. C'est aussi un film sur la jalousie professionnelle face à la réussite de l'un. Un grand nombre d'éléments caractéristiques du jeu théâtral classique, sont mis en scène : les allitérations, la manie de chercher une background story aux personnages, le lapsus, le trac et le trou de mémoire angoissant...

Après les femmes du 6ème étage, Philippe Le Guay fait a nouveau appel à Fabrice Luchini pour revisiter le misanthrope de Molière. C'est la quatrième fois que Fabrice Luchini tourne pour Le Guay après L'Année Juliette, Le Coût de la vie et Les Femmes du 6e étage. Déjà en 2007 dans Molière de Laurent Tirard, Fabrice Luchini interprétait Monsieur Jourdain, inspiré de la pièce Le Bourgeois Gentilhomme, un personnage du répertoire du célèbre auteur français. Luchini, né pour jouer le personnage d'Alceste, excelle dans son rôle de vieux reclus désagréable, de misanthrope donc. Fabrice Luchini, qui a participé à l'idée originale, cabotine, gesticule, exagère... il est tordant et s'en donne à cœur joie. Lambert Wilson surprend dans ce répertoire comique, et s'en sort très bien. Un troisième personnage vient s'immiscer entre les deux personnages principaux, sorte de Célimène improvisé, incarné par Maya Sansa. La jalousie entre les deux comédiens ainsi que l'image d'amis faisant du vélo n'est pas sans rappeler un autre trio célèbre au cinéma, celui de Jules et Jim de François Truffaut. La toute fraiche Laurie Bordesoules, malgré son petit rôle, arrive à nous surprendre. Les personnages secondaires existent vraiment comme ce chauffeur de taxi, cet agent immobilier ou cette patronne d'hôtel.

L'île de Ré est un écrin magnifique, en basse saison et contribue largement à l'atmosphère du film. L'ile ne fait pas simple dépliant touristique. La décoratrice Françoise Dupertuis a réussi à donner vie à cette ile avec une piste cyclable à travers les bois ou une plage de sable fin. Les décors sont très bien travaillés et fonctionnent comme les extensions des personnages.

Alceste à Bicyclette est un très beau moment d'émotion. Le charme opère, grâce au merveilleux tandem Luchini-Wilson, qui donne lieu à un affrontement d'ego jubilatoire. S'il s'agit d'une comédie, c'est bien d'une comédie dramatique, mais réalisée avec élégance et légèreté.

Fiche Technique

Genre : Comédie

Nationalité : Française

Réalisation : Philippe Le Guay

Interprètes : Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Maya Sansa, Laurie Bordesoules, Camille Japy, Annie Mercier, Ged Marlon, Stephan Wojtowicz, Christine Murillo, Josiane Stoléru, Edith Le Merdy, Julie-Anne Roth, Philippe Du Janerand, François Delaive, Patrick Bonnel, Laure Calamy, Sonia Laroze, Gilles Treton, Christian Bordeleau, Olivia Algazi et Jean-Charles Delaume

Durée : 104 minutes

Année de production : 2011

Attachés de presse : André-Paul Ricci et Tony Arnoux

Date de sortie : 16 janvier 2013

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